Les Opérations Place Nette (OPN) ont débuté lors du denier trimestre 2023 à l’initiative du président Emmanuel Macron et de son ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin. Leur objectif ? Frapper fort pour faire avancer la lutte contre le trafic de stupéfiants et la délinquance.
Pourquoi ces opérations ?
La situation en France est de plus en plus préoccupante. L’impact du trafic de stupéfiants et de la violence qui en découle se fait de plus en plus ressentir.
La situation en chiffres (2023) :
- environ 4.000 points de deal dénombrés en France,
- 240.000 personnes qui vivent du trafic de drogue (directement ou indirectement), dont 21.000 à temps plein,
- plus de 300 homicides et de tentatives d’homicide liés au trafic de drogue, ce qui équivaut à une hausse de 57% entre 2022 et 2023,
- le Chiffre d’Affaires annuel du narcotrafic est estimé à 3 milliards d’euros.
Vous l’aurez compris, il s’agit là d’une problématique importante aux yeux de l’État. C’est pour cette raison que le gouvernement a décidé de créer les opérations place nette.
Comment sont organisées les OPN ?
Les opérations place nette sont organisées dans les grandes agglomérations, et plus particulièrement dans leurs secteurs les plus difficiles. L’objectif du gouvernement est de mener au moins 10 opérations par semaine dans tout le pays.
Elles sont organisées par les services territoriaux de la police nationale, avec l’appui de la Direction Nationale de la Police Judiciaire (DNPJ) et de la Direction Nationale de la Sécurité Publique (DNSP).
Ces opérations impliquent de nombreux acteurs, issus de différents services : police, gendarmerie, municipalités, douanes, URSSAF, bailleurs sociaux, etc.
Sur le terrain, les OPN sont conduites par des Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS), la gendarmerie mobile, la Police Aux Frontières (PAF), les douaniers, les équipes cynophiles (maîtres-chiens) de la police et de la gendarmerie, etc.
Même le RAID et le GIGN apportent leur soutien dans ces opérations.
L’Unité d’Investigation Nationale (UIN) participe également aux opérations place nette. Il s’agit d’une unité qui dépend de la DNPJ. Son rôle consiste à coordonner les différents services et à fournir des moyens d’enquête plus importants aux services territoriaux.
Elle s’intéresse surtout à la grande délinquance et à la criminalité (trafic de stups, règlements de comptes, trafic d’armes…). Pour l’instant, son action est surtout déployée dans le nord de la France, dans des villes telles que Roubaix, Amiens, Creil, etc.
Comment se déroule une opération place nette ?
Les OPN mobilisent de nombreux services de police, des douanes et de la gendarmerie. Ces différents acteurs sont préparés à l’avance et sont coordonnés.
Ils mènent différentes actions :
- effectuer des contrôles d’identité,
- contrôler et fouiller les parties communes et les caves des immeubles,
- employer les chiens pour rechercher des stupéfiants, des armes, des munitions ou des billets de banque,
- contrôler les commerces,
- enlever les voitures « ventouses » (épaves abandonnées ou voitures qui monopolise une place de stationnement),
- sécuriser les transports en commun,
- etc.
Quel bilan après 6 mois d’opérations places nettes ?
Au 3 mars 2024, après 6 mois, un premier bilan été réalisé pour constater l’efficacité des opérations place nette. Au total, plus de 120 opérations se sont déroulés grâce à l’engagement de près de 5.700 effectifs de police.
Au total, 1.154 individus ont été interpellés.
De nombreuses saisies ont été effectuées :
- 17 kg d’héroïne,
- 15 kg de cocaïne,
- 875 kg de cannabis,
- 1.875.000 € d’avoirs criminels,
- 98 armes,
- 28 véhicules.
Les opérations place nette XXL
Dorénavant, les opérations place nette prennent une nouvelle dimension avec les opérations place nette XXL.
La première s’est déroulée à Marseille le 19 mars 2024, principalement dans les quartiers nord, et durera plusieurs semaines.
Pour rappel, la ville de Marseille est l’une des plus touchées, si ce n’est LA plus touchée, par le trafic de drogue et les règlements de comptes. Rien que dans l’agglomération, la guerre des gangs a fait 49 morts et 123 blessés au cours de l’année 2023.
Pour l’opération place nette XXL, ce sont 750 policiers et gendarmes qui sont déployés dans la ville, afin de porter un grand coup au trafic de drogue et de tenter d’empêcher sa réimplantation.
En plus du travail de terrain, les enquêteurs cherchent à appréhender les têtes de réseaux, qui, parfois, ne sont pas sur le territoire français.
A Marseille, les premiers bilans font état de 119 interpellations, près d’1 kg de cocaïne, plus de 22 kg de cannabis, plus de 400.000 € d’avoirs criminels, etc.
D’autres OPN XXL sont prévus. Plusieurs dizaines d’agglomérations devraient bénéficier de ces opérations chocs de grande ampleur.
A Lille, l’opération XXL a débuté le lundi 25 mars 2024. Le préfet du Nord, Bertrand Gaume, a indiqué « C’est une opération XXL parce qu’elle est multi-délinquance. Elle n’est pas centrée que sur les stupéfiants, il y a des gens ciblés pour des cambriolages, des vols à la tire, du vol à la roulotte,… toute la délinquance qui gangrène la vie quotidienne de nos concitoyens. »
L’objectif est clair : frapper encore plus fort, pour reprendre en main ces agglomérations.
Les opérations place nette n’échappent pas aux critiques
Malgré l’ampleur de ces opérations, nombreux sont ceux qui critiquent ces initiatives, que ce soit les médias ou la classe politique.
Marine Le Pen, la présidente du groupe Rassemblement National à l’Assemblée, a qualifié les opérations XXL d’opérations « small » et dénonce un « énième coup de com’ pour faire oublier des chiffres absolument dramatiques ».
De l’autre côté de la sphère politique, le député insoumis Ugo Bernalicis les qualifie lui de « pied de nez à l’autorité judiciaire, qui est chargée de la poursuite de l’action pénale ».
Plus inattendu, un détenu marseillais, actuellement incarcéré pour trafic de stupéfiants et blanchiment, s’est confié à FranceInfo. Selon lui, ces opérations sont faites « pour les médias et montrer que [les forces de l’ordre] sont présentes font leur travail ». « Ça nous fait rire », et « ça ne change pas grand chose ».
Il assure également qu’elles sont inutiles, car « Tout se passe en prison », avant de préciser : « On continue depuis la prison, on est entre nous, on s’élargit, on se développe, on a plus de contacts, il y a plus d’argent qui se génère et il y a plus de consommateurs. Il y a beaucoup de personnes qui veulent se nourrir dans le ‘charbon’, c’est-à-dire avoir leur part, leur pourcentage. Il y a énormément d’argent en espèces et de revenus… C’est un autre monde ».
Pour le moment, les opérations XXL n’en sont qu’à leurs début, l’avenir nous dira si le grand coup d’arrêt voulu par le président sera au rendez-vous.